L’éclatement des lieux _ jlB

Le train en marche, le paysage défile, impossible à saisir…Une suite sans fin d’accidents, de  fractures  visuelles…en longues traînées horizontales…Des lieux qui se succèdent, sans que l’on ai eu le temps de les habiter du regard…Déferlement des premiers plans… Les ferrailles agressives griffent le regard…Plus loin, un dépôts de palettes, des poutrelles… containers… aiguillage… taches non identifiables…Des rails qui s’entrecroisent…L’ombre portée des grands pylônes, des armatures métalliques… Scansion régulière des poteaux …Des gares désaffectées, friches recouvertes de tags…Bâtiments hight tech aux lignes épurées…Façades rythmées par les fenêtres…Une longue frise de tags encore, sur un muret, déroule ses  couleurs vives…Lotissements, jardin, vague terrain de foot, parking, pont, autoroute, fleuve, clocher d’église au loin…

Bientôt l’oeil ne saisit plus rien en particulier…Perception suspendue…Scansion régulière…visuelle et sonore… suscitant l’imagination,  la rêverie…La méditation ? C’est trop dire…Une forme de recueillement  plutôt, devant l’accélération du réel…L’occasion d’un retour sur soi… D’un souffle plus lent, d’une respiration plus profonde… D’une saisie intérieure de notre agitation,  pour s’en déprendre,  s’en tenir à distance. Une forme de mélancolie liée à la vitesse…

L’intense végétation assombrie le regard, mais à travers les trouées, l’oeil accède aux lointains, aux vertes collines, à l’horizon enfin… Lieu des nostalgies, de l’enfance, des douces courbes,  épargné par les métamorphoses des premiers plans, comme à l’abri  du monde…Longues lignes des câbles que l’on suit  sans y penser…Un immense panneau publicitaire soudain capte  toute l’attention, mais l’oeil a pu quand même apercevoir, subrepticement, une petite  silhouette, affairée et solitaire…

Plus qu’un paysage, un éclatement des lieux…

JlB_ 2011