Peintures rébus_ jlB

Ce cycle de peintures est marqué par le refus délibéré de toute homogénéité: diversité des univers , des styles , de l’iconographie. L’unité  se fait par le mode de production d’images ,  dispositif propre à la règle du rébus.

 Règle / Jeu / Mémoire.

La règle qui rend libre *. (A noter que celle -ci est appliquée scrupuleusement ; quelques entorses sont délibérées , dans un but ironique ou comique ,  » blaireau  » pour  » plaire aux  » , par exemple). Le jeu pour accompagner le défi de tout peindre : un oeil , un nid , un ange, une pelle , des ailes , etc… Jeu qui n’interdit pas le plus grand sérieux dans la démarche , voir un brin d’austérité…

L’enjeu pourtant ne réside pas dans le déchiffrage ludique des vers , strophes , aphorismes ou sentences qui ont déclenché par décomposition homophonique le désir du tableau. L’ intention est de susciter une relation entre la fabrication du rébus , qui aboutit à une kirielle d’images , se bousculant , s’entrecroisant , et le sens , l’écho intérieur là aussi riche d’images , que produit un vers , un aphorisme …Relation de ressemblance , de voisinage ou de dissemblance…Une peinture suscitée par exemple par une phrase tirée des  » Essais  » de Montaigne :  » Il faut être botté et prêt à partir  » , dans le chapitre  » De la mort  » , montrera par homophonie une faux . Mais que la  » réalité  » devienne ce poisson à tête plate allongé dans un lit les deux bras derrière la tête suppose une relation tout à fait saugrenue , voire croquignolesque …

Un autre aspect de ces peintures semble capital . C’est le rapport qu’elles entretiennent avec la longue tradition de l’art de la mémoire , qui remonte à la Grèce antique , se poursuit au Moyen- âge avec d’autres enjeux , à la Renaissance …L’antiquité considérait le sens de la vue comme le plus fort de tous et le plus propre à susciter des chocs émotionnels qui devaient activer la mémoire. Une mémoire artificielle , fondée sur des lieux (locus) et des images . Ces lieux divers puisés essentiellement dans l’architecture , où s’inscrivaient ces images frappantes et le plus souvent incongrues , servaient à aider à la mémoire des rhéteurs et des avocats de l’Antiquité.

Bien entendu , la nécessité d’une mémoire artificielle visuelle n’est plus un enjeu crucial à l’heure de la mémoire numérique . Ne reste qu’un jeu gratuit , inactuel et vaguement dérisoire qui a l’intérêt qu’ont les choses idiotes , singulières , et qui pourrait  figurer dans un cabinet de curiosités du XXIème siècle .

Règle / Jeu / Mémoire sont donc les trois clés pour appréhender avec justesse ce cycle de peintures que je pourrais tout aussi bien nommer peintures mnémotechniques . Cependant d’autres filiations me viennent à l’esprit : anciennes , tels les Grotesques de la Renaissance ; modernes , le Symbolisme , le Surréalisme , les jeux oulipiens …

*  » C’est là où il y a le plus de contraintes qu’il y a le plus de liberté . » Paul Valéry

Jean-luc Brignola. Juillet 2007